Pourquoi considérer les émotions comme des alliées ?

Le sujet des émotions est souvent minimisé, et ces dernières ont malheureusement mauvaise presse dans notre société occidentale, en particulier en France. Une personne qui exprime ouvertement ses émotions est fréquemment perçue comme immature, excessive, voire enfantine. Il est de coutume de ne pas montrer ses sentiments, et encore moins de les partager, cela étant considéré comme un signe de sérieux ou de bonne éducation.

Lorsque l'expression émotionnelle est permise, elle est souvent restreinte à un cercle intime de proches, comme si le fait de montrer et de partager ses émotions était inapproprié en public, réservé aux artistes comme les acteurs de cinéma ou de théâtre. Pour compenser cette retenue, notre société a créé des espaces clos où la libération émotionnelle est autorisée, programmée et orchestrée. Pensons aux spectateurs devant un film, une série, un jeu vidéo, ou un match de football entre amis, ou tout autre événement sportif et festif. N'est-ce pas une manière pour la société de normaliser et de contenir l'expression des émotions ?

La répression émotionnelle : un phénomène sociétal

La conséquence directe de cette norme sociale est que nous avons tendance à réprimer nos émotions dans notre quotidien. Nous ne nous autorisons plus à ressentir ce qui devrait l'être, et encore moins à l'exprimer.

Ne pourrions-nous pas parler d'une certaine prédominance de l'intelligence rationnelle et froide, principalement régie par l'hémisphère gauche du cerveau (dominant chez 80% de la population) ? Ce déséquilibre se fait au détriment du fonctionnement émotionnel, qui se loge en grande partie dans l'hémisphère droit. Il ne s'agit pas de critiquer cet état de fait, mais plutôt de prendre conscience de ce désalignement. L'objectif est de trouver une approche plus équilibrée afin de favoriser davantage le bien-être et l'épanouissement humain dans nos vies.

La question se pose : notre société n'est-elle pas déconnectée de l'état naturel des émotions ? N'est-il pas temps de considérer à nouveau l'émotion comme une alliée qui nous veut du bien ?

Comprendre l'émotion : définition et fonctions oubliées

Lorsque l'on s'intéresse à un sujet, il est toujours bénéfique de revenir à sa source, à son étymologie. Nous oublions trop souvent que les émotions sont inhérentes à la condition humaine, devenant amnésiques quant à leurs fonctions primordiales. Qu'avons-nous oublié ?

Étymologiquement, le mot français « émotion » vient d'« émouvoir » et de « motion », emprunté du latin motio, signifiant « action de mouvoir, mouvement, trouble, frisson… »

En psychologie, l'émotion est définie comme une réponse affective soudaine, transitoire et involontaire. Cette réaction est souvent accompagnée d'expressions corporelles spécifiques à chaque sentiment (peur, colère, surprise, joie…). L'émotion se caractérise par des modifications d'apparence physique (notamment faciales), des comportements (cris, fuite, attaque, figement…) et des changements physiologiques internes (battements du cœur, pression artérielle, irrigation sanguine, modifications hormonales…).

Nous ne pouvons manifestement pas ignorer l'ensemble de ces phénomènes et manifestations. Pourtant, nous en avons bien souvent oublié ou négligé les mécanismes et les fonctions qui les régissent. Nous en ignorons les manifestations et les refoulons dans notre inconscient. Nos émotions opèrent alors de manière subtile, en deçà de notre seuil de conscience. Pourtant, nos émotions nous veulent du bien, car elles nous renseignent sur nous-mêmes et sur les environnements dans lesquels nous évoluons. Nous oublions de les écouter pour entendre et comprendre ce qu'elles veulent nous dire.

Le rôle central de l'inconscient et des émotions en psychologie

Les professionnels des sciences humaines s'accordent aujourd'hui tous pour dire qu'un des attributs essentiels de la condition humaine est régi par les neurosciences affectives, autrement dit par les émotions. En effet, une part significative de nos comportements est façonnée par des processus auxquels nous n'avons que peu d'accès conscients. Les professionnels de la santé mentale, de la recherche à la pratique en passant par la psychologie clinique ou sociale, se penchent sur ces mécanismes non-conscients qui opèrent dans les opérations fondamentales du cerveau, du corps et de l'esprit.

Tout le travail des praticiens en psychologie consiste à rendre conscients aux patients les mécanismes qui se jouent en dessous du seuil de conscience. Et bien souvent, les refoulements émotionnels en font partie. C'est toute la palette émotionnelle et affective qui n'a pu s'exprimer en temps et en heure qui remonte à la surface. Et c'est tant mieux, car tout ce qui n'est pas exprimé s'inscrit dans le corps, pouvant mener à des pathologies toujours plus complexes.

Le travail émotionnel n'est pas toujours confortable, car il est parfois difficile de faire face aux émotions perçues comme négatives qui ont été habilement mises de côté, ni aux prises de conscience qui y sont associées.

Ce peut être une colère refoulée qui, jadis, protégeait du risque de rébellion entraînant le rejet ou l'abandon. Mais cette colère pourrait aujourd'hui être nécessaire pour exprimer son indignation, se rebeller sainement ou simplement affirmer des limites saines.

Ce peut être une peur profonde, vécue lors d'un accident où le pronostic vital était engagé. Une peur qui a été refoulée pour protéger la personne au moment du traumatisme, mais qui est restée enkystée et ne demande qu'à être libérée.

Rencontrer ses sentiments est un processus salvateur et profondément libérateur pour l'esprit, le cœur et le corps. Cela permet de retrouver le bien-être, la santé et son intégrité personnelle.

Alors oui, l'émotion est bien une alliée qui nous veut du bien au quotidien !